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J’aime la langue des banquiers centraux, un langage qui utilise les images et autres périphrases pour dire, sans dire tout en disant et en suggérant ce qui pourrait être compris ou qui devrait être compris sans pour autant que cela soit certain.

Vous vous souvenez de ce que disait Allan Greenspan surnommé le Maestro. « Si vous m’avez compris c’est que je me suis sans doute mal exprimé ».

Ainsi parlent les banquiers centraux, et cela fait 30 ans maintenant pour ne pas dire plus que je les écoute avec attention. J’ai appris leur langue, et je sais quand ils disent la vérité ou quand ils nous "carabistouillent". La majorité du temps, en réalité, ils tentent de noyer le poisson.

Nous vivons une période de ce type. Il faut maintenir le flou sur les intentions profondes pour forger le consentement, préparer les esprits et permettre une évolution ordonnée des choses. L’ennemi du banquier central c’est la panique.
C’est son risque ultime.

Un banquier central ne fait pas de l’économie. Il fait de la psychologie. 

C’est une idée d’une immense importance à bien comprendre. Non, les banquiers centraux ne font pas d’économie, il font de la psychologie, et ce que je vais vous expliquer ici, personne ne vous le dit jamais.

La banque centrale gère la monnaie fiduciaire.
Fiduciaire… du latin fiduciarius, de fiducia qui signifie confiance, de fidere qui signifie avoir foi, et enfin de fides, la foi.
Voilà qui est clair et évident. La monnaie, c’est la confiance et c’est la foi. La foi en une valeur imperceptible.
La valeur d’une monnaie n’est qu’une convention sociale, la force d’une monnaie n’est qu’une fiction imaginaire partagée et donc incarnée dans la réalité

Le banquier central est un prêtre. Il a en charge le dogme et veille à la croyance des fidèles. La peur du banquier central c’est la panique, car la panique c’est la perte de confiance, c’est le « fiduciaire » qui part en fumée.
La solidité d’une monnaie se résume à la solidité de la foi de ses fidèles.
Perdez confiance dans la monnaie et cette dernière s’effondre comme un château de carte en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
La monnaie est une illusion.

Alors le langage des banquiers centraux est fascinant et je ne me lasse jamais d’analyser et d’observer ce spectacle dont si peu comprennent aussi bien la beauté que la nécessité ou l’importance.

Je vous cite donc le gouverneur de la banque de France.
« Il y a eu un excès de volatilité sur les anticipations de taux terminal [le niveau où la BCE cessera de remonter ses taux directeurs, NDLR], confie aux « Echos » François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Autrement dit, les marchés ont un peu surréagi depuis jeudi. »

« Un excès de volatilité sur les anticipations de taux terminal ». Cette phrase n’a strictement aucune signification. Les anticipations de taux ne sont pas fausses, elles ne sont pas justes non plus, disons juste qu’il y a un excès de volatilité… mais qu’est-ce que cela peut-il bien vouloir dire ? Les taux vont-ils monter plus ? Moins ? On ne sait pas. Ce que l’on sait c’est qu’il a un excès de volatilité. Vous pouvez admirer cette phrase. Vraiment. Je ne suis pas ironique pour une fois. Elle veut dire en fait, « ne paniquez pas » mais sans dire si vous aviez raison ou tort de paniquer, et le pire, c’est que cette phrase est de nature à calmer la… volatilité donc l’inquiétude ! C’est assez remarquable quand on y songe. C’est le pouvoir des mots.
Pour le reste, la BCE qui regroupe les gouverneurs de toutes les banques centrales nationales, bataille autour de cet objectif de taux « terminal »

.A court terme, il y a consensus pour relever le taux d’intérêt à 3 % en mars mais pour la suite c’est une autre histoire et les objectifs divergent. Faudra-t-il s’arrêter à 3,25 %, à 3,5 %, ou aller jusqu’à 3,75 %, voire plus ?

Europe du Nord, contre Europe du Sud !

En bas pour les sudistes, Fabio Panetta l’italien de la BCE il faut faire attention à ne pas trop monter les taux ! Sans blague quand vous voyez la dette italienne c’est une évidence !! « Nous allons de plus en plus devoir prendre en compte les risques d’un durcissement monétaire trop fort ».

En haut pour les nordistes, la réponse d’Isabel Schnabel, l’allemande qui s’y colle il ne faut pas crier victoire avant d’avoir tuer la peau de l’ours, de l’avoir dépecé, mangé, et sans doute même digéré depuis plusieurs mois histoire d’être très prudent. « Nous sommes loin de déclarer victoire contre l’inflation. » Elle prône l’approche inverse : attendre d’avoir des « preuves robustes » d’un changement de tendance avant de ralentir la hausse des taux d’intérêt. Et donc évidemment ces désaccords ont provoqué des remous sur les marchés financiers. « Le taux d’emprunt des obligations allemandes à dix ans est passé de 2,4 % à 2,5 %, celui de la France, de 2,9 % à 3 %. ». C’est le fameux « excès de volatilité » dont parle le gouverneur français dans sa tentative de motion de synthèse entre sudistes et nordistes.

Ce qui est certain c’est que les taux de la BCE iront au moins jusqu’à 3 %, et très vraisemblablement jusqu’à 3.5 %. L’argent retrouve une valeur, et tous les acteurs économiques seront contraints de faire moins de bêtises. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais à court terme, ce sera douloureux pour tous les drogués à l’argent gratuit.

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu.
Préparez-vous 

Charles Sannat
« Insolentiae.com est le site sur lequel Charles Sannat s’exprime quotidiennement et livre un décryptage impertinent et sans concession de l’actualité économique. Visitez  son site où vous pouvez vous abonner gratuitement à la lettre d’information quotidienne qu'il publie sur www.insolentiae.com. »

 

 

Tag(s) : #Belgique, #Europe, #France, #Économie
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