Malgré les 12 % d’inflation sur un an des produits alimentaires, selon Bruno le Maire, il n’y a pas de « profiteurs d’inflation » dans le secteur. Faut-il le croire ?
C’était notre sujet d’échange lors de l’émission Ecorama d’hier avec David Jacquot.
Cela peut sembler surprenant, mais pour une fois, je suis de l’avis de Bercy et… de l’Inspection Générale des Finances !
Il peut sembler difficile au consommateur d’admettre que l’inflation soit forte sans que certains « se gavent » comme on pourrait dire dans les rayons de mon supermarché préféré où au rayon moutarde et huile de tournesol le langage est assez direct. Les « ce n’est pas perdu pour tout le monde » et autre « la guerre en Ukraine a le dos large » s’enchaînent au fil des conversations.
Le vrai sujet d’incompréhension, c’est qu’à un bout de la chaîne, on a des pêcheurs ou des éleveurs qui gagnent mal leur vie et à l’autre bout des consommateurs qui ne peuvent plus se payer de la viande ou du poisson.
Alors si aucun intermédiaire n’exagère que se passe-t-il ?
Une chaîne complexe, des normes de plus en plus coûteuses.
D’abord les intermédiaires sont très nombreux. Après le producteur, il y a un grossiste, et puis avant d’arriver au détaillant, il y a un négociant, mais il y a aussi des transporteurs, ou encore des transformateurs du produit.
A cette chaîne de plus en plus complexe car de plus en plus spécialisée à chaque étape, nous avons également une inflation de normes de plus en plus strictes et coûteuses. Vous allez me dire que les normes ne sont pas arrivées brutalement il y a 6 mois. C’est vrai, mais c’est aussi des effets de seuil, car depuis des années, pour de bonnes raisons à chaque fois les normes augmentent sans que les coûts soient répercutés. Ils l’ont été brutalement en quelques mois, parce que la grande distribution qui savait faire pression sur les prix des producteurs a du céder. Pour une raison simple. Pour la première fois, les fabricants ne livraient plus. D’où les pénuries. Il n’y a pas de pénuries réelles. Il y a des manques de produits quand la grande distribution ne veut pas payer le prix demandé par les fournisseurs.
Selon le rapport de l’IGS…
Plusieurs facteurs expliquent la hausse des prix.
Ensuite selon le rapport de l’Inspection générale des finances, la hausse des prix résulte de la combinaison de plusieurs facteurs :
1/ guerre en Ukraine,
2/ reprise post-Covid,
3/ réchauffement climatique,
4/ flambée de l’énergie,
5/ crise sanitaire animale ou
6/ pénurie de main-d’œuvre…
On pourrait mettre en cause le rapport des inspecteurs, mais…
Il y a eu déjà plusieurs rapports sur ce sujet
Un rapport sénatorial publié le 19 juillet avait toutefois conclu qu’à l’exception de quelques « cas particuliers » il n’était pas observé de « phénomène généralisé de hausses abusives ».
Quelques jours plus tard, un rapport des députés Aurélie Trouvé (La France insoumise) et Xavier Albertini (Horizons) n’avait pas davantage permis de déceler « des comportements abusifs systémiques de la part des industriels ou des distributeurs ». On ne peut pas a priori accuser la France Insoumise de collusion avec les forces du grand capital…
En attendant, c’est +60 % pour les huiles, +22 % pour la farine, +20 % pour les pâtes et +16 % pour la volaille en moyenne selon Bercy, et selon mes poules de cristal et du haut de mon grenier normand, cette inflation va s’installer durablement parce que les facteurs de hausse des prix sont eux-mêmes devenus structurels.
Charles Sannat
« Insolentiae.com est le site sur lequel Charles Sannat s’exprime quotidiennement et livre un décryptage impertinent et sans concession de l’actualité économique. Visitez son site où vous pouvez vous abonner gratuitement à la lettre d’information quotidienne qu'il publie sur www.insolentiae.com. »