Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

« Il n’y a pas aujourd’hui de risque majeur de pénurie de quoi que ce soit pour la consommation courante, au moins d’ici l’été », a insisté Michel-Édouard Leclerc.

« Des pâtes, il y en a. Pour l’huile de tournesol, nos stocks vont jusqu’à juin », 
a-t-il tenu à rassurer.” - Journal Ouest-France, lundi 4 avril 2022.

“Rassurer”.
Le mot est-il bien choisi ??

Pas rassurant…

Pour ma part, je ne trouve pas rassurant que Michel-Edouard Leclerc, patron d’une des plus grandes chaînes de supermarchés de France, nous annonce qu’il n’y aura pas de risque majeur de pénurie alimentaire “au moins d’ici l’été”.

L’été, c’est demain.

Et comme la nourriture ne tombe pas du ciel, s’il y a effectivement un risque de pénurie dès juin ou juillet, il faut agir maintenant.

Le prix du blé multiplié par trois

L’Ukraine est, ou plutôt était, le grenier à blé de l’Europe.

Le second grenier, le grenier de secours, était la Russie.

Avant la guerre, déjà, le blé battait record sur record. Son prix avait presque triplé en quatre ans.

Mais désormais, la guerre empêche les agriculteurs de planter, et le blocus sur les produits russes empêchent d’acheter à la Russie.

Résultat, la progression des prix est verticale : + 70 % par rapport aux jours qui ont précédé le conflit.

Pourquoi est-ce un problème ?

Pas seulement parce que la baguette sera plus chère.

Le blé est, pour deux milliards de personnes dans le monde, le seul moyen de subsister.

Quand vous vivez avec moins de deux euros par jour, vous ne pouvez tout simplement pas pas survivre ni nourrir vos enfants, face à une telle augmentation.

Concrètement, vous êtes mort, à court terme.

Pénurie d’huile de tournesol : des problèmes inattendus, en chaîne

Les ports de Marioupol et Odessa sont, comme on le sait, bloqués.

Cela signifie que les produits agricoles ne peuvent plus quitter l’Ukraine par navire.

La Russie et l’Ukraine ne produisent pas que du blé. Ce sont aussi de gros producteurs de tournesol, de maïs et d’orge, des produits essentiels pour d’immenses populations, du Maroc jusqu’à l’Inde, en passant par l’Egypte, la Turquie, le Pakistan et toute l’Afrique.

En Egypte et en Turquie, 85 % du blé et 73 % de l’huile de tournesol viennent des deux pays en guerre. Le Liban, la Syrie, le Yémen, la Tunisie dépendent tous de l’Ukraine en tant que fournisseur de céréales et d’huiles.

Il faut s’attendre à des émeutes de la faim, des soulèvements, des révolutions, des guerres.

Ce qui va encore renchérir le prix du pétrole, du gaz, et aggraver les blocages des chaînes d’approvisionnement, chez nous.

Que va-t-il se passer en France ?

En France, les pâtes ont bondi de 14 % en mars 2022 par rapport à 2021. La farine a augmenté de 7,1%, les huiles de 7,4 %.

Ce n’est pas encore la famine, loin de là. Mais il y a des signes qui peuvent inquiéter.

Par exemple, les stocks d’huile de tournesol seront épuisés d’ici deux semaines. 

Les fabricants de pâtes à tartes, plats cuisinés, biscuits, chips ont commencé à remplacer l’huile de tournesol par de l’huile de soja, de maïs et de colza, au risque de provoquer des allergies puisque les étiquettes n’ont pas pu être changées.

Il faut dire que les emballages, cartonnages (et papiers hygiéniques en tout genre) connaissent, eux aussi, une explosion de leur prix puisqu’ils ont besoin de gaz pour être fabriqués. Or, le gaz connaît lui-aussi, depuis la guerre, une augmentation stratosphérique, les prix ayant été multipliés par douze depuis l’été dernier !!

Les consommateurs ne mesurent pas encore bien l’ampleur des changements. Ils pensent que ce n’est pas si grave, car les gouvernements utilisent pour l’instant les stocks stratégiques pour amortir la hausse du coût de l’énergie.

Mais en l'absence de bouclier tarifaire, les prix du gaz auraient déjà augmenté de plus de 35% au 1er avril, selon le régulateur du secteur.

Si la guerre devait se poursuivre - et avec l’actualité qui s’envenime de jour en jour, tout indique que cela va être le cas - nous pourrions nous retrouver très vite comme les Anglais qui viennent de se faire administrer une hausse de 45 % du prix du gaz et de l’électricité, rendant la douche chaude un luxe inatteignable pour des millions de foyers.

Oui, je parle bien de l’Angleterre, pas de la Biélorussie ni de la Roumanie.

Et comme si ça ne suffisait pas…

Jamais deux sans trois, dit le proverbe.

Comme si l’épidémie et la guerre ne suffisaient pas, la France a connu début avril les pires gelées depuis 1947.

Les récoltes s’annoncent catastrophiques.

Or, les agriculteurs subissent par ailleurs :

  • l’explosion du prix des carburants
  • l’explosion du prix des engrais, dont 80 % du prix dépend du gaz naturel indispensable à leur production
  • et, cerise sur le gâteau, la fin des importations de fertilisants en provenance de Russie, qui est le premier exportateur mondial d'engrais azotés et le deuxième fournisseur d'engrais potassiques et phosphorés.

Si les récoltes de cette année devaient vraiment s’avérer mauvaises, la situation commencerait à ressembler étrangement à 1789.

Le régime monarchique, écrasé de dettes, fut confronté à des récoltes désastreuses à cause du mauvais temps, débouchant sur une hausse du prix du pain qui déboucha sur… la prise de la Bastille, la crise des assignats puis la Terreur, puis les guerres napoléoniennes…

Sommes-nous partis dans un tel engrenage ?

L’Homme ne désire pas toujours la paix et la prospérité

On sait que l’humanité, depuis la nuit des temps, peine à rester en paix très longtemps.

Nous aimons nous représenter nous-mêmes comme des créatures douces, préoccupées par les droits de l’homme, le respect d’autrui, la justice, le bien-être, la prospérité, l’amour du prochain…

Mais la vérité est que nous avons, aussi, une sacrée tendance à nous taper dessus.

Nous adorons nous épier mutuellement, nous jalouser, accumuler du ressentiment. Ce ressentiment, lorsqu’il a suffisamment macéré, fermenté, provoque une haine qui débouche, tôt ou tard, sur un besoin viscéral d’une riposte… sanglante.

C’est tellement criant en ce moment.

Vous ne pouvez plus regarder un écran, écouter une radio, sans qu’une voix, souvent féminine et douce par ailleurs, vous fasse part de nouvelles agressions, d’atrocités, d’images sanglantes justifiant que vous preniez les armes, ou du moins souteniez, à deux bras, ceux qui souhaitent les prendre.

  • “Rendez-vous compte ! Regardez ces images ! C’est horrible, scandaleux. Partout, il n’y a que massacres, destructions, crimes de guerre, génocide ! Nous ne pouvons pas rester les bras croisés !! Nous devons réagir ! 

Difficile de ne pas culpabiliser, de rester dans son fauteuil à lire un livre.

Il faudrait agir, tout de suite. Même si nous ne comprenons au fond rien à ce qui se passe. (enfin, vous, peut-être si, mais je parle pour moi).

Partout se multiplient les appels à intervenir militairement pour empêcher que “l’Histoire ne se répète”, ce qui risque bien d’aboutir à ce que l’Histoire se répète, pour de bon.

Attention je ne me range pas dans le camp des Bisounours. Je ne suis pas une colombe blanche, qui appelle à la paix en évitant prudemment de prendre position.

Non, c’est très clair, je suis absolument convaincu que la menace est bien réelle. Ni la paix ni la liberté ne sont gratuites. Et le monde regorge de frustrés bien décidés à nous agresser si on leur en laisse l’occasion.

Mais pour moi, la seule solution crédible pour assurer notre sécurité est d’aligner des chars, des avions, des hélicoptères, des lance-missiles et des troupes à nos frontières, pas d’aller agir ailleurs “préventivement”.

Qui veut la paix prépare la guerre.

On n’a jamais trouvé mieux pour éviter les problèmes. L’idée même de forcer le passage ne doit même pas effleurer l’esprit de vos voisins. Ne pas leur laisser d’autre choix que de se comporter de façon amicale avec vous.

Cela me paraît être le seul principe capable de réconcilier notre désir de paix avec un regard lucide et courageux sur la sombre réalité de la psychologie humaine.

Les conséquences pour notre santé

Je me permets d’insister longuement sur tout cela car les conséquences de ces crises qui s’enchaînent sont très graves pour notre santé.

Vous connaissez cette phrase d’Hippocrate, le médecin grec : “Que ton aliment soit ton médicament.

Avec la hausse du prix de la nourriture, il y a fort à craindre que l’alimentation se dégrade encore.

Une alimentation médiocre est un facteur majeur de maladies chroniques, d’invalidité, de fragilité, et de mortalité, particulièrement chez les personnes âgées.

En 2019, déjà, les maisons de retraite françaises ne consacraient plus que 5 euros par jour et par personne pour la nourriture. Comment manger sain ainsi ?

On dispose d’études faites aux Etats-Unis montrant une forte dégradation de l’alimentation ces vingt dernières années, surtout parmi les personnes âgées, avec une baisse d’un tiers de la consommation de fruits et légumes, des fruits à coques et des graines, compensés par plus de boissons sucrées, de viandes et d’aliments ultra-transformés.[1]

De telles études n’existent pas en France à ma connaissance, mais on peut supposer que la hausse des prix, mise en face de la stagnation des pensions de retraite, ne peuvent qu’entraîner une dégradation de l’alimentation.

  • Quel retraité peut encore acheter du bon poisson frais, des fruits et légumes biologiques, des huiles de bonne qualité, dans le contexte actuel ?
  • Quelles vont être les conséquences pour la santé de la population, alors que déjà le diabète, l’obésité, les maladies cardiaques et les cancers font des ravages ?

Je n’imaginais pas, il y a dix ans, écrire un jour à mes lecteurs sur le sujet des pénuries alimentaires, et de leurs conséquences sur la santé des populations européennes. 

Ce que nous pouvons faire, et espérer

Notre sort est aujourd’hui largement entre les mains des pouvoirs publics, dont on peut craindre bien sûr qu’ils prennent les mauvaises décisions, et laissent le prix de la nourriture s’envoler.

Mais en réalité, ils ont entre les mains des leviers d’action puissants :

Il faut savoir d’abord que des règlements européens imposent qu’une partie des cultures de céréales soient transformées en biocarburants, pour les voitures.

Ces réglementations doivent être abrogées d’urgence.

Par ailleurs, les subventions à l’élevage doivent être supprimées. La conséquence de ces subventions est que la plus grande partie de la production agricole européenne sert actuellement à nourrir, non les Hommes, mais le bétail. Cette tendance doit absolument être inversée.

Ensuite, il est clair que les prétendues “sanctions contre la Russie” ont échoué et n’ont nullement dissuadé Vladimir Poutine, comme on nous l’avait promis, d’envahir l’Ukraine, ni même de mettre quelques gants. C’est le contraire qui se passe : la population russe se sent injustement sanctionnée, pense que l’Occident veut la mort de la Russie, et rejoint Poutine dans sa paranoïa. Ils sont galvanisés. Notons au passage que, dans les guerres normales, le blocus n’a pas pour but d’empêcher un pays d’envoyer ses marchandises vers ses voisins, mais au contraire, d’importer les marchandises dont il a besoin.

Pendant les deux guerres mondiales, c’était les Allemands qui étaient privés de charbon et de blé !! Il ne serait jamais venu à l’idée des chefs d’Etat-Major alliés d’interdire à l’Allemagne de leur envoyer des ressources stratégiques !!

La réalité des actuelles sanctions, on le voit bien, est de nous affaiblir nous-mêmes. Cela n’a aucun sens et, je le répète bien que ce soit une évidence, elles n’ont pas la moindre chance de dissuader la Russie de continuer sa politique agressive. Au contraire ! Ils sont en train de mettre la main, gratuitement, sur toutes les usines et entreprises que nous avions financées sur leur territoire !!

Ces sanctions doivent à tout prix être abolies, au plus vite, et être remplacées par des mesures où c’est le reste du monde qui cesse d’envoyer des ressources en Russie. S’ils souhaitent nous envoyer du gaz, des engrais et des produits agricoles, il faut les prendre !

Sur le plan individuel, enfin, il est clair qu’il est plus nécessaire que jamais de redécouvrir les joies du potager, si vous en avez la possibilité, des cueillettes sauvages, d’une alimentation fondée sur les légumes et fruits locaux et de saison, et sur les techniques traditionnelles de conservation : conserves, fermentation, déshydratation. 

Je vous écris régulièrement sur ces sujets depuis des années, en fait depuis plus de dix ans, et beaucoup d’entre vous se sont lancés, avec succès. Il faut continuer.

 

A votre santé,

Jean-Marc Dupuis

Rédacteur en chef
Santé Nature Innovation


 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :