C'est (d'abord) l'histoire d'un préambule à tout autre histoire: il n'y a aucune place, aucune concession, aucune justification à la violence physique au sein d'une société démocratique.
C'est la raison pour laquelle, aucune goutte de sang n'ayant jusqu'ici été versée, aucun coup n'ayant été porté, aucun autre crachat qu'une invective verbale n'étant même sorti de sa bouche, nous nous refusons à hurler avec les loups et à participer à l'hallali de Jürgen selon une mobilisation sécuritaire rarement vue en Belgique.
Un permis de tuer aurait même été accordé aux forces de l'ordre à la recherche du fugitif, privilège auquel n'ont pas eu droit sur nos terres de bien pires salopards tels Dutroux ou Abdeslam. Faut-il croire que le militaire campinois soit à ce point dangereux qu'il faille l'abattre telle une bête traquée à coups de chevrotine?
A part proférer des menaces virtuelles, qu'a donc fait de mal Jürgen pour qu'il soit condamné à mort et abattu sans sommation alors que depuis le début de sa fugue, il n'a pas violenté une seule mouche?
Stigmatisé et exposé à la vindicte populaire par le parterre de la gauche politico-médiatique sans doute pour avoir eu l'outrecuidance d'émettre de la sympathie pour la droite extrême, le fugitif est tellement caricaturé - homme blanc, nationaliste, crâne rasé, militaire, fan des armes et du combat - qu'en cochant toutes les cases du profil idéal de l'opposant à anéantir, nos journalistes éminemment partisans finiront par le rendre sympathique.
Au fil des heures et des jours de chasse à courre d'ailleurs, on sent poindre au sein de l'opinion un courant de sympathie pour ce résistant dans l'âme qui, plutôt que Rambo, pourrait bientôt passer pour le Robin des bois de Salamander.
C'est en vérité tout le mal que nous souhaitons à cet homme en pleine force de l'âge, présenté par sa dulcinée comme le compagnon idéal, par ses enfants comme un père adorable, par ses voisins comme un être débonnaire, par ses collègues de travail comme un bon camarade, par les vrais combattants comme un soldat valeureux et par son chien comme un maître respectueux.
Plutôt que de déployer toute une armée pour le neutraliser au prix de dépenses colossales qui seront in fine facturées au citoyen lambda, les autorités seraient mieux inspirées de rappeler les militaires dans leurs casernes et les flics dans leurs commissariats, d'opter pour l'apaisement et de solliciter l'aide de ses proches, celles et ceux qui l'aiment et qu'il aime pour lancer au fuyard un appel à la raison et à une honorable reddition.
A l'inverse d'une inutile et insupportable effusion de sang, cet épilogue heureux grandirait tout à la fois le rebelle sans doute sorti profondément traumatisé d'une carrière passée à faire la guerre et les haineux d'en face.
Dans ce monde de brutes, il est encore permis de rêver...
L'objecteur médiatique