Au mois de mai 1968, des milliers d'étudiants descendaient dans la rue avec un slogan qui n'était certes pas nouveau, mais qui est plus que jamais d'actualité. « L'imagination au pouvoir ». De ces jeunes contestataires qui voulaient changer le monde, il ne reste pas grand-chose. L'âge adulte, les contraintes sociales et économiques, l'arrivée dans les sphères du pouvoir ont érodé les aspirations de renouveau et les ont installés, pour la plupart dans un conformisme béat.
L'oubli et la disparition de ce merveilleux slogan est une perte inestimable. Parce que notre société actuelle a infantilisé les adultes et fait des adolescents de parfaits petits vieux, nous vivons dans un monde où l’imagination s’est altérée au profit d’un conditionnement de masse qui nous transforme
en consommateurs compulsifs de produits et services, d’informations prédigérées et de convictions obligatoires. Les écoles, les médias, les politiques n’ont qu’un objectif, la pensée unique pour tous, le grand nivellement intellectuel de la population. L’identité des peuples et des individus doit disparaître, leur culture se métisser pour créer le nouveau Golem, un être artificiel, généralement humanoïde, fait d'argile, incapable de parole et dépourvu de libre arbitre, façonné afin d'assister ou défendre son créateur selon la mythologie juive. La question qui se pose, sont-ce des modernes docteurs Frankenstein qui tentent de nous ravir notre âme, une dégénérescence naturelle qui nous conduit vers une société sans réflexion assistée dominée par une intelligence artificielle ou le mariage des deux.
Pour le moment, nos dirigeants politiques, économiques et industriels se conduisent comme les vieux ivrognes d’une blague trop peu connue et cependant trop réelle pour faire rire longtemps.
« A deux heures du matin, à quatre pattes sur un sol boueux, deux ivrognes cherchaient sous un réverbère les clés qu’un des deux avait perdues. Il pleuvait à verse, un vent glacial soufflait et les deux hommes s'obstinaient depuis une heure à tourner autour de ce luminaire. Soudain, le premier, lassé de cette recherche pénible demanda au second s'il était bien sûr de les avoir perdues à cet endroit. Et celui-ci de lui répondre, « je ne sais pas. Mais ici, au moins, il y a de la lumière ». Notre monde en difficulté est dans ce cas tragi-comique. Nous ne trouvons pas les solutions pour répondre à nos problèmes, mais nous continuons à essayer de les élaborer selon les anciens schémas de pensée qui no
us ont conduit à cette situation.
Nous nous cramponnons à des idées reçues et emmagasinées et nous avons peur de nous en écarter. Ce n'est pas pour rien que l'innovation n’est plus que technique. Sans vouloir sombrer dans lz philosophie, force est de constater que « faire simple » n'est plus le processus de pensée de nos dirigeants. Ils s’acharnent à essayer de solutionner les problèmes sociétaux par de nouvelles complications pour éviter le chaos dans l’espoir d’une restauration d'un monde en asphyxie.
C'est Michel Audiard qui faisait dire à un de ses héros dans le film Un Taxi pour Tobrouk, un intellectuel assis va moins loin qu’un con qui marche. Cette réplique-culte est une de mes maximes favorites et me rappelle souvent à l'ordre quand mon esprit a tendance à entrer dans le moule de l'intellectualisme et le conditionnement qui nous sont imposés. Ce qui compte vraiment, c'est de retrouver le « bon sens paysan » et de revenir aux réalités naturelles dont s'écartent de plus en plus les théories politiques, économiques et sociales les endoctrinements de nos grandes écoles.
L’être humain n’est pas parfait,
mais est-ce une raison de le transformer en esclave lobotomisé !
René G. Thirion