En juillet 2020, des policiers sont avertis de la présence d’une Clio noire suspecte dans une ruelle de Créteil dans le Val-de-Marne. A l’intérieur, deux personnes. Au cours du contrôle, les agents découvrent une arme chargée et deux couteaux qui appartiennent à l’armée française. Les deux hommes sont des militaires, chargés de la surveillance d’un camp de la DGSE, la direction du renseignement extérieur. Leurs noms de code sont Ademar et Dagomar. Ainsi, de manière totalement fortuite, deux militaires de la DGSE sont interpellés.
Ils s’apprêtaient à assassiner une célèbre figure du coaching en entreprise. Le projet d’assassinat de Marie-Hélène Dini, femme de 54 ans en 2020, avait été orchestré au sein de la loge maçonnique Athanor de Puteaux dans les Hauts-de-Seine. Une enquête est ouverte et les deux espions sont interrogés. Ils se mettent à table, donnant à l’enquête un tournant inattendu. Six hommes sont arrêtés, dont quatre militaires. Jean-Luc Bagur, le commanditaire présumé, est un ancien de la DGSE, membre de la loge maçonnique Athanor. Deux autres maçons de cette loge sont également placés en garde à vue.
Le mobile du crime reste flou. Il semble que des rivalités professionnelles dans le secteur du coaching d’entreprise soient à l’origine de ce projet macabre. La tête de Marie-Hélène Dini avait été mise à prix pour 20 000 euros. Car Marie-Hélène Dini voulait labelliser les entreprises de ce secteur, faire le ménage dans cet univers où on trouve un peu de tout. Jean-Luc Bagur avait pris ombrage de ces démarches, avant de recruter et de financer une équipe de tueurs à gages pour un total de 50 000 euros.
En 2021, une enquête de radio France révèle que Jean-Luc Bagur aurait demandé à son ami Frédéric Vaglio, spécialiste de la sécurité privée, de contrer les actions de Marie-Hélène Dini, l’une de ses concurrentes coaches. Elle a créé un syndicat afin de mieux règlementer la profession. Bagur craint de perdre des clients. Il estime que Marie-Hélène Dini cherche à « niveler la profession vers le bas ».
En Février 2021, Jean-Luc Bagur, 64 ans, reconnaît être le commanditaire d’un contrat d’assassinat visant Marie-Hélène Dini, sa rivale dans le coaching, en Juillet 2020. L’enquête révèle un personnage complexe, entre survivalisme, Franc-Maçonnerie, et barbouzerie. Après quatre jours de garde à vue, il livre de terribles aveux aux policiers de la brigade criminelle de Paris. Il est bien l’homme qui a commandité la « neutralisation » de Marie-Hélène Dini, sa concurrente dans le coaching en entreprise. Sa rivale était visée par deux militaires de la DGSE. Il lui reproche de vouloir règlementer la profession, ce qui serait synonyme de perte de chiffre d’affaires pour lui.
CNews a publié l’information sans aucunement mentionner les connexions maçonniques. Manque d’information ou volonté de couvrir le Temple ? Cette affaire criminelle organisée au sein d’une loge maçonnique sera étouffée au maximum. Darmanin ne peut pas et ne veut pas dissoudre les groupuscules d’ordre mafieux.
A partir de là, les policiers découvrent une cellule criminelle avec à sa tête deux hommes, l’un a une société de sécurité privée, l’autre est un ancien policier passé par les renseignements intérieurs. Tous les deux se sont rencontrés dans la loge maçonnique nommée Athénor. Et ils ont mis en place une cellule criminelle de grande ampleur. Le but : exécuter les projets de vengeance de particuliers en échange de quelques dizaines de milliers d’euros.
Les révélations des interpellés donnent lieu à des investigations. Ainsi, sort de l’ombre une officine criminelle de grande envergure dont les principaux responsables appartiennent à une loge franc-maçonne nommée Athanor et basée à Neuilly-sur-Seine. Cette loge est liée à l’obédience de la Grande Loge Alliance Maçonnique Française GLAMF. Ces personnes sont soupçonnées d’avoir participé à des projets criminels attribués à une vaste cellule liée à la loge franc-maçonne Athénor. Parmi les personnes mises en cause, figurent des agents de la DGSE et des anciens de la DGSI, certains sont des policiers, d’autres de simples exécutants. Ces membres sont à l’origine de plusieurs agressions violentes et d’un meurtre, à différents niveaux.
Outre le projet d’assassinat confié aux deux espions, l’enquête met au jour de nombreux autres actes ou projets criminels attribués à la cellule. Les enquêteurs dénombrent sept contrats qui vont de la simple surveillance à l’agression physique. Et cette cellule agissait pour le compte de commanditaires par lesquels elle était rémunérée.
Le plus grave de ces projets est celui de l’enlèvement et l’assassinat du pilote de rallye Laurent Pasquali, fin 2018. Son corps enterré avait été découvert en Septembre 2019, neuf mois après sa disparition, par un promeneur, dans un bois de Haute-Loire. Un policier en poste à la DGSI a été mis en examen pour avoir fourni l’adresse du pilote, froidement assassiné dans son parking en Novembre 2018, sur fond de recouvrement de dettes. Plusieurs notables ont également été mis en examen, notamment un médecin biologiste de l’Oise et son épouse pour avoir commandité l’assassinat du pilote pour une créance de 200 000 euros qu’il tardait à rembourser.
Parmi ses projets, la cellule avait aussi dans sa liste l’assassinat d’un syndicaliste de la CGT, jugé gênant par sa patronne qui envisageait de le faire tuer : la dirigeante d’une entreprise de plasturgie de l’Ain, soupçonnée d’avoir commandité l’exécution du syndicaliste, ancien Gilet jaune, avec lequel elle était en conflit. Selon les éléments de l’enquête, Frédéric V. aurait perçu 80 000 euros pour ce contrat finalement annulé quelques jours après l’interpellation des trois militaires de la DGSE. L’assassinat d’un maire du Val-de-Marne qu’il fallait maquiller en accident. Avant les municipales de 2014, à Saint-Maur-des-Fossés, Henri Plagnol, ancien Secrétaire d’Etat de Jacques Chirac, avait fait appel à cette cellule de barbouzes pour surveiller son concurrent, Sylvain Berrios. Un ancien policier de la DCRI est suspecté d’avoir effectué, des surveillances et photographies de Sylvain Berrios, au bénéfice de Henri Plagnol et aux frais de la commune. Cet ancien policier est également impliqué dans l’agression de Jean-Français Le Helloco, ami de Sylvain Berrios, attaqué par deux hommes cagoulés dans le jardin de sa maison de Saint-Maur.
A chaque fois, plusieurs personnes sont impliquées : des agents ou ex-agents de renseignements, des agents de sécurités privés, un policier soupçonné d’avoir consulté des fichiers confidentiels pour le compte d’Athanor.
Courant 2020, l’enquête a permis l’interpellation et la mise en examen de 23 personnes, dont trois femmes, âgés de 30 à 72 ans. Tous sont soupçonnés d’avoir participé, à des degrés divers, aux activités criminelles d’Athanor. Durant leurs auditions, commanditaires et exécutants se renvoient la responsabilité des actes. Les premiers évoquent souvent des demandes de pressions simples. Les seconds assurent qu’ils ont obéi à des ordres demandant des agressions, voire des ordres.
30 Mai 2024. Le parquet de Paris requiert le renvoi aux Assises des 23 personnes dans l’affaire dite Athanor.
Ainsi, la loge maçonnique de Puteaux devient une agence de tueurs à gages. Les obédiences et les organes maçonniques réagissent. « L’amalgame entre les auteurs des méfaits et leur qualité de franc-maçon est teinté d’antimaçonnisme et alimente des fantasmes véhiculés contre la Franc-Maçonnerie dans les milieux qui lui sont hostiles ».
La grande Loge Nationale française précise que « les noms des deux suspects apparaissent dans un registre entre 2009 et 2012, année de leur départ de l’obédience, sans jamais avoir occupé de postes significatifs. Elle affirme son indignation devant des agissements putatifs qui salissent la Franc-Maçonnerie tout entière ».
Le Grand Maître du Grand Orient de France précise que « le Grand Orient n’a aucun lien, ni même aucune connaissance de l’existence de cette loge maçonnique, mise en cause dans les chroniques criminelles des médias français ». Il affirme « tout en respectant la présomption d’innocence, que de tels agissements sur lesquels toute la lumière doit être faite, rejaillissent sur la Franc-Maçonnerie qui reste un ordre et une association humaniste respectueuse sans conditions des lois de la République ».
La Grande Loge de l’Alliance Maçonnique française, à laquelle appartenait la loge Athanor, dissoute en Février 2021 et à laquelle sont rattachés plusieurs protagonistes de l’affaire, rappelle « qu’en tant qu’obédience maçonnique, elle prône le respect strict et absolu des lois en vigueur dans notre République ». Elle suspend les membres incriminés jusqu’au rendu de l’enquête.
Bien entendu, il n’est pas question de faire un rapprochement entre ce cas particulier et l’ensemble des obédiences maçonniques. Une affaire spéciale ne saurait autoriser une généralisation.
Selon Albert Lantoine, franc-maçon (1869-1949), et d’après les Constitutions d’Anderson, la Maçonnerie se flatte et se pique de « morale ». Or, la revue maçonnique du Grand Orient, Humanisme, offre un autre visage : « La vertu ce n’est pas la moralité du comportement privé mais une qualité politique : le civisme ». Autrement dit, dans la conception maçonnique, « Morale » signifie rigoureux respect des principes maçonniques, et inflexible soumission au catéchisme maçonnique.
Le Rituel secret de la Loge La Clémente Amitié de Paris définit le mot « tolérance » :
« Tolérance dans les idées n’entraîne pas tolérance dans les faits … nous n’admettons qu’une forme de gouvernement, la République … on n’entre dans notre O. que si l’on est anticlérical et républicain ». Singulière « morale » et « singulière » tolérance. Les concepts maçonniques sont à double sens. Ainsi, la Raison est elle aussi un agencement idéologique. Au nom de la « raison », la Révolution dite française, la révolution bolchévique … Et des mares de sang. Une utopie meurtrière.
Pour soumettre à ses idées, la Maçonnerie ne se présente et ne se dévoile jamais. Albert Lemoine le précise : « C’est aux organisations profanes, mieux outillées que l’ordre maçonnique, à poursuivre la réalisation de cette idée. Son échec ne saurait atteindre la Franc-Maçonnerie adroitement retranchée dans son rôle spéculatif »
La Maçonnerie guide la révolution continue, mais se contente de souffler, de recommander, sans jamais se montrer au grand jour.
Au cours de son initiation, le candidat est prévenu que son pacte devra engendrer la réalisation de tous les ordres donnés. Les profanes sont prévenus. En cas d’imposture, en cas de mensonge, en cas de trahison, en cas de révélation, la Maçonnerie « ira jusqu’à les attaquer dans leurs biens et leurs personnes ».
Pas d’interprétation. Pas de conclusion. Chacun peut juger, par rapport aux nombreuses énigmes criminelles non élucidées, dont certaines touchent des francs-maçons repentis et des gêneurs trop dérangeants.
Jean Saunier
Article publié sur Riposte Laïque