L’homme-masse est internationaliste et mondialiste. Il se coule dans le discours idéologique de refus de toute contrainte morale.
Mais il ne perçoit pas l’autre facette de ce discours idéologique : les contraintes multiples touchant à tous les aspects de la vie et rabaissant l’homme à un aspect végétatif.
Dans la révolte des masses, le penseur espagnol Ortega y Gasset (1883-1955), analyse l’homme-masse, complice passif, aveugle et servile de tous les effondrements civilisationnels.
Cet homme-masse de 1929 manifestait déjà toutes les caractéristiques du crétin des années 2000. Il ne respecte plus ni instruction, ni culture, ni tradition, ni convenances.
Il n’a aucun sens de l’effort et méprise toute aristocratie de l’effort.
S’il est illettré, il l’est sans intelligence. S’il est instruit, il l’est d’une manière ultra-spécialisée.
Syndicaliste, il est partisan de l’action directe, des coups de force qui ne mènent à rien.
Très indocile, il est excessivement juvénile, jeuniste, et aussi dévitalisé, voire efféminé.
Individualiste, il cantonne ses aspirations à la sphère de la cellule familiale.
Pacifiste, il n’aime pas la guerre, il s’imagine que la paix se maintient toute seule.
Il ne s’intéresse pas à la politique, sinon par carriérisme.
Ce qui caractérise l’homme-masse, c’est l’incapacité de servir des valeurs, l’absence du sens du collectif, l’obsession de la vie privée, individuelle, le mépris pour toute préoccupation de l’intérêt commun.
L’homme-masse de 1929 s’imagine que les améliorations, les acquis techniques et sociaux tombent du ciel et ne fait rien pour les conserver. Il profite des bienfaits de la technologie, mais s’intéresse peu à la recherche scientifique. Il vit dans un monde encore en paix, mais ne s’intéresse pas à la politique, ni nationale, ni internationale.
Indocile et servile à la fois, par son mépris pour les « minorités » excellentes, l’homme-masse révèle sa vraie nature : il est fondamentalement un lâche et un ingrat.
Il reçoit les bienfaits d’une civilisation multiséculaire, en méprisant ou en ignorant les grands ancêtres et les obscurs contemporains qui continuent dans l’anonymat, parfois dans l’opprobre, le maintien d’une aristocratie de l’effort.
L’homme-masse est un dégénéré, le rejeton indigne d’une civilisation généreuse dont il sape les fondements, par l’inertie de son crétinisme.
L’homme-masse des années 2000 est un infra-gauchiste, en-dessous du gauchiste.
Les vrais gauchistes mènent un combat, fût-il pervers, et font preuve d’un minimum de virilité sociale. Les gauches associative, syndicale, politique, appliquent la même « théologie » mondialiste. L’appellation « gauchisme » les réunit. Le communisme a été absorbé par le gauchisme. Il n’y a plus ni trotskistes, ni marxistes, ni communistes. Il n’est plus que des gaucho-mondialistes. Le gauchisme est l’un des trois piliers du mondial-système, avec l’islam mondial djihadiste, et les oligarchies transnationales. Tous ces gaucho-mondialistes militent, agissent, pensent, réfléchissent, donnent de leur temps.
L’islamisme, le gauchisme et l’oligarchie déploient d’immenses réseaux militants, une grande énergie soutenue par des budgets conséquents et une littérature importante. Ces choses sont détestables. Ces réalités sont affreuses, sataniques, sataniques au sens théologique pour les croyants ou au sens de Mal absolu pour les non croyants. Mais elles correspondent à un effort, un effort concret, l’effort d’une aristocratie du Mal. Gauchos et oligarques sont les ennemis du genre humain.
L’homme-masse ne fait aucun effort. Il est le grand complice, aveugle et servile, de la Triplice de l’horreur, islamisme, gauchisme, oligarchie. Il est un ventre mou que la Triplice déchire allègrement, sans qu’il n’y oppose la moindre résistance. Rien de ce qui se passe ne le fait réagir. Si le gauchiste est un collabo, l’homme-masse est le collabo du collabo, une sorte d’infra-collabo, d’infra-gauchiste. L’homme-masse est en dessous du collabo, il est néant de pensée et d’action. Son inertie, son indifférence pathologique, son mépris arrogant pour toute forme d’engagement font basculer la France et l’Europe dans le pire des totalitarismes. Incapable d’agir, il laisse faire.
L’indocilité et la servitude, ces deux caractères en apparences contradictoires, en réalité indissociables, préfigurent la « rebellitude ».
La rebelle-attitude est l’attitude spécifique et distinctive des bobos parisiens et provinciaux et des boomers. Ces bobos et ces boomers sont le haut du panier des hommes-masses. Des grands bourgeois libéraux-libertaires qui ont le cœur à gauche pour faire bonne figure et le porte-feuille à droite.
La figure la plus basse de l’homme-masse est la « racaille de souche » débraillée. Il insulte les passants occidentaux. Il donne des « mon frère » au dealer maghrébin du coin qui le fournit en shit. Ces jeunes Blancs décérébrés sont les grandes figures de l’homme-masse.
Ortega y Gasset décrit l’homme-masse universel, c’est-à-dire en tous lieux et en tous temps. L’homme-masse est celui qui appartient à la masse, c’est-à-dire l’homme moyen, par opposition à l’élite toujours minoritaire.
Deux critères permettent de définir un individu solidaire de la masse. D’une part, il faut que « la valeur qu’il s’attribue – bonne ou mauvaise – ne repose pas sur une estimation justifiée de qualités spéciales ». D’autre part, il faut qu’il n’éprouve aucune angoisse à se sentir profondément identique aux autres.
L’homme-masse se niche dans une vie confortable et plus rien ne l’ébranle. Peu exigeant avec lui-même, il ne désire que son bien-être et se repaît d’un contentement paresseux. L’homme-masse s’inscrit dans cette tendance et roule sur le sombre triomphe des masses ou de l’hyper-démocratie.
Nous avons donc deux classes d’individus : « Ceux qui exigent beaucoup d’eux-mêmes et accumulent volontairement détours sur difficultés, et ceux qui non seulement n’exigent rien de spécial d’eux-mêmes mais pour lesquels la vie n’étant à chaque instant que ce qu’elle est déjà, ne s’efforcent à aucune perfection et se laissent entraîner comme des bouées à la dérive ».
L’homme-masse ne possède aucun goût pour la culture, sous-entendu la vraie culture. En effet, cette noble tâche demande un effort constant. Comment notre homme pourrait-il s’élever, autrement dit se rendre inégal à lui-même alors qu’il dit : « tout est bon dans ce qui est en moi, opinions, appétits, préférences ou goûts » ?
Que peut bien signifier une culture sans recherche de vérité, sans normes de références ?
L’homme-masse rappelle que de toute façon : chacun ses goûts, chacun ses opinions.
Une culture sans dispute est-elle concevable ? Aux temps féodaux, les intellectuels se livraient à des disputations, à des discussions publiques.
Que recherche l’homme-masse, mises à part la légèreté de l’agrément et les fausses joies du plaisir ? Il a perdu tout rapport avec la noblesse d’âme esthétisante promue par un double attachement à la distinction et au devoir, c’est-à- dire le sens de l’honneur et l’obligation d’une vie vouée à l’effort.
La particularité de l’homme-masse réside dans son émancipation. En effet, nous avons « une masse plus forte que celle d’aucune autre époque : la quantité de connaissance dont elle jouit est inédite dans l’histoire ».
Et pourtant, contrairement à une masse traditionnelle, elle semble « hermétiquement fermée sur elle-même, incapable de prendre garde à rien ni à personne, et croyant se suffire à elle-même, en un mot indocile ». Cette indocilité marque une rupture avec l’ordre ancien. La masse s’évertue à élaguer tout ce qui dépasse sa pauvre tête.
L’homme-masse se soumet au progressisme gauchiste : on efface tout le passé. Demain sera forcément mieux qu’hier.
Ortega y Gasset résume la situation : « On peut facilement formuler ce que notre époque pense d’elle-même : elle croit valoir plus que toutes les autres tout en se croyant un début et sans être sûre de ne pas être une agonie ».
L’homme-masse, fabriqué et poli par lui-même, par l’école, par les médias, par l’idéologie gaucho-mondialiste, contribue largement par son indifférence et sa passivité à la décadence, à la mort de l’humanité, à la mort de la civilisation, à la mort de la France.
Philippe Muray, philosophe français (1945-2006), consacre un portait à l’Homo festivus festivus, le vecteur de la médiocrité festive, la figure allégorique de la post-histoire, qui transfigure l’homme moyen en égérie du ridicule.
Le soixante-huitard a accouché de festivus festivus, et lui a légué en héritage les clés de l’après-histoire, et les vêtements bigarrés de l’après dernier homme. Après la fin de l’homme historique, il n’y a plus que célébration : célébration de la célébration.
L’homme-masse festivus festivus est ainsi soumis à une culture, ou plutôt à une déculture festive. Ses manifestations sont nombreuses. Il s’agit d’un produit de substitution à la culture.
Une culture festive traduit avant tout un renouvellement de la Culture par la festivité, un développement de la fête et des spectacles. Tous les maires de grandes villes s’emploient à donner un caractère festif à leur cité, et dépensent des sommes folles pour la culture festive. Par exemple, la culture de rue, certaines animations culturelles sur les lieux de culture, les dîners dans les musées. Comment ne pas en restituer la profonde misère artistique et culturelle ? La Culture, la vraie Culture y trouve-t-elle son compte ?
Les artistes invités à ces célébrations représentent toute la vacuité, l’ennui, le désœuvrement, la disponibilité de la post-histoire, lieu où les mots flottent dans l’alter monde, dans l’autre monde d’une subjectivité envahissante, lieu où le Moi narcissique devient la référence ultime de toute création.
Chez Philippe Murray, l’art n’a de sens qu’en réponse à la question « que se passe-t-il ? »
Il précise : « J’appelle étrangère à la littérature toute personne qui ne sait pas que l’homme, dans les nouvelles conditions d’existence, est un plagiat pour l’homme ».
L’homme-masse festivus festivus ou l’après dernier homme n’est rien d’autre qu’un plagiat, un vulgaire plagiat.
Autrement dit, il ne peut plus y avoir d’art sans une réaction radicale, sans un rejet de l’homme sous sa physionomie actuelle. Pourquoi ? L’art évoque l’homme et non son plagiat. Il doit donc désigner l’imposteur, le démasquer et le liquider comme cet usurpateur, ce mystificateur a liquidé le réel en liquidant l’histoire.
La fin de l’histoire est une manifestation de l’hyper-démocratie. Comme l’hyper-démocratie est une manifestation de la fin de l’histoire ou post-histoire. Son essence, sa nature réside étrangement dans un fétichisme du « Bien », une idolâtrie du « Bien », un remplacement du Bien et Mal par le « Bien » seul, le « Bien » mondialiste, l’arrêt de la dialectique, l’extermination désespérante du conflit. Et en fin de compte, la perversion du Bien, le sado-masochisme, le satanisme.
L’homme-masse festivus festivus sort de l’histoire par le peu d’intérêt qu’il accorde au savoir historique, à l’autorité du passé. Il a écarté et repoussé ses racines gréco-romaines et chrétiennes. Il a consommé son divorce avec le péché originel et le salut, ce qui signifie qu’il renonce à toute compromission avec le mal, le salut est transposé ici-bas et maintenant.
Philippe Muray attachait une grande importance à la véritable littérature parce que « Si les livres, et de manière plus particulière les romans, servent à quelque chose, c’est à rendre la possibilité du mal envisageable ». Et aussi : « Faire de l’art avec le Mal, c’est le grand art, le seul ».
Ainsi, l’homme-masse, dépourvu de culture, d’histoire donc de passé, de Bien-Mal donc de morale, de réel et de beauté donc d’art, de Dieu donc de spiritualité, mais livré à la fête, entre dans un monde où les valeurs sont inversées.
Jean Saunier
article paru sur le site Internet de Riposte laïque