Comme des millions de Français, j’ai été horrifié par cette attaque barbare dans un square pour enfants à Annecy.
Oh, ce n’est certes pas la première fois que nous, Français, sommes si violemment attaqués dans notre chair.
Nous qui avons gardé en mémoire la terrible soirée du 14 juillet 2016 ou les attentats de 2012, devoir compter des enfants parmi les victimes n’est, hélas, pas nouveau non plus.
Hier, à Annecy, c’était pourtant différent.
Hier, on a vu un homme se jeter, arme à la main, sur des poussettes.
Hier, on a vu un monstre viser spécifiquement nourrissons et vieillards, comme pour mieux paralyser d’horreur nos bras désarmés.
Comment, face à une telle abomination et face à la lâcheté qui la suit, ne pas perdre espoir ?
Comment ne pas sombrer, tant nous nous identifions, chaque fois, aux victimes et à leurs familles ?
Beaucoup se sont posés la question hier, privés par la peur et l’émotion du réconfort des mots, des idées, de l’action qui sauve.
Mais au milieu des images de ce migrant courant l’arme à la main après des bébés, au milieu des cris, de la peur et de l’horreur, l’espoir a jailli. L’espoir et la beauté ont jailli car un Français s’est interposé.
Car un Français a décidé de poursuivre inlassablement l’assassin.
Car un Français a voulu protéger des innocents.
Ce Français, c’est toi Henri.
Je t’interpelle désormais par ton prénom, comme l’on évoque les héros qui nous sont chers et dont on chérit la fierté qu’ils nous inspirent. C’est le hasard — ou la Providence — qui t’a placé hier sur le lieu du massacre ; car le courage ou l’héroïsme ne peuvent se juger qu’au révélateur des circonstances. En quelques heures, tu es devenu dans l’esprit de nos compatriotes le « héros au sac à dos ».
Chacun voulait savoir qui tu es, chacun voulait pouvoir te remercier, t’admirer, s’identifier à toi.
J’ai écouté ton témoignage ce matin, sur différents médias et j’ai été encore plus touché par ton humilité et ta profondeur. Tu évoques ton parcours, ta quête spirituelle depuis plusieurs mois à la rencontre des cathédrales de notre pays. Tu assures que chaque Français aurait agi de la même façon, ou du moins devrait le faire, car « la France s’est construite sur le message du Christ, sur un idéal chevaleresque ».
Comme tous les héros, tu refuseras sans doute avec modestie ce qualificatif.
Tu dois pourtant l’accepter, car tes compatriotes en ont besoin : ils ont besoin de ton exemple. Ne refuse pas l’honneur qu’ils te font. La France a eu, hélas, son lot de victimes ; elle a désormais besoin de héros. Comme eux, je veux te dire toute ma gratitude et toute mon admiration, de te voir vivre et agir selon cet idéal français. C’est pour cela que ton courage parle au fond du cœur de chaque Français.
Tu as également évoqué Arnaud Beltrame, tel une inspiration et un modèle à tes yeux.
Lui aussi était l’héritier des chevaliers et des moines, habité par l’histoire de notre civilisation, habité par notre héritage, nos traditions et la transcendance qui traverse les siècles. Tout le monde en a fait son héros lorsqu’il est mort, mais beaucoup ont oublié très vite ce pourquoi il avait mené et sacrifié sa vie. Comme lui, tu aurais pu mourir, mais ce matin tu es bien vivant et tu as osé dire fièrement tes valeurs et ce pourquoi tu avais agi.
Ta première pensée, dans la foulée de ton geste héroïque, fut de prier pour les victimes. Et puis, passé le choc, passé les larmes, passé les obligations de l’enquête, tu ne t’es pas effacé. « Maintenant il faut relever la tête et arrêter de se laisser faire », as-tu déclaré ce matin.
Je pense que tu en as conscience : tu bouscules là un monde étranger, pour ne pas dire hostile, chez qui les hommes qui relèvent la tête n’existent pas. Après chaque tragédie, leur seul but, leur unique stratégie, est de contrôler l’émotion publique jusqu’à ce que l’actualité passe à autre chose.
Pour que rien, jamais, ne soit réellement remis en question.
La semaine dernière, le Président de la République accusait notre peuple et nos jeunes d’être décivilisés parce qu’ils seraient individualistes.
Tu as prouvé qu’il se trompait.
Ce n’est pas notre peuple qui est concerné. Chez toi, il y a encore un sens du sacré, un sens du sacrifice, la conscience qu’il y a plus grand que soi.
Dans un monde bâti sur la déconstruction de tout ce que tu chéris, hier, tu étais à Annecy, prêt à sacrifier ta vie, car tu défends très exactement l’inverse. Car tu es parti à la rencontre des cathédrales, pour faire vivre notre mémoire commune.
Henri, hier, tu fus un petit bout de la France éternelle qui a crié : « Je ne vous laisserai pas nous tuer. »
Tu as mis l’honneur sur ton nom, et nous continuerons de l’honorer.
Avec toute mon admiration,
Éric Zemmour
Président de Reconquête